MEDITATION (KRISHNAMURTI)

C'était vraiment un fleuve merveilleux, large, profond, avec de nombreuses villes sur ses rives, il était libre et insouciant sans jamais pourtant s'abandonner. Toute vie se concentrait sur ses rives, des champs verdoyants, des forêts, des maisons isolées,la mort, l'amour et la destruction. Il y avait sur lui de longs et larges ponts pleins de grâce et bien employés. D'autres courants et rivières le rejoignaient mais c'était la mère de toutes les rivières, les petites comme les grandes. Il était toujours plein, se purifiait toujours, et un soir une béatitide vint prendre soin de lui, et les couleurs se firent plus intenses dans les nuages et dans ses eaux dorées. Mais le petit filet d'eau bien loin de là, parmi ces gigantesques rochers qui semblaient si concentrés en le produisant, fut le commencement de la vie, et sa fin était au-delà des rives et des mers.
La méditation était pareille à ce fleuve, sauf qu'elle n'avait ni fin ni commencement; elle commença et sa fin était son commencement. Il n'y avait pas de cause et son mouvement était son renouveau. Elle était toujoursnouvelle, elle ne mûrissait jamais pour devenir vieille; elle ne devint jamais souillée car elle n'avait pas de racines dans le temps. Il est bon de méditer, sans forcer, sans faire aucun effort, on commence par un filet d'eau et l'on va au-delà d temps et de l'espace, où ne peuvent entrer ni la pensée ni la senation, où l'expérience n'est pas.

La méditation est cette lumière qui, située dans l'esprit, éclaire la voie de l'action ; et sans cette lumière il n'y a pas d'amour.

ll est rare que nous écoutions un chien aboyer, les pleurs d'un enfants ou le rire d'un homme que nous croisons. Nou nous séparons de tout et puis, de cette isolation, nous regardons et écoutons toutes choses. C'est cette séparation qui est destructrice car en elle réside tout conflit et toute confusion. Si vous écoutiez le tintement de ces cloches dans un parfait silence, vous pourriez voyager avec lui - ou, plutôt, le son pourrait vous transporter dans la vallée et sur la colline. Vous ne pouvez apprécier cette beauté que si vous et le son ne sont pas séparés, quand vous en faites partie. La méditation, c'est en finir avec la séparation sans aucun acte de volonté ou de désir.
La méditation n'est pas une chose séparée de la vie; c'est l'essence même de la vie, l'essence même de notre existence quotidienne. Ecouter ces cloches, entendre le rire de ce paysan qui marche en compagnie de sa femme, écouter la sonnette de vélo de la petite fille qui passe : c'est avec la totalité de la vie, et non avec un seul fragment, que s'ouvre la méditation.

Si vous décidez de méditer, ce ne sera pas de la méditation. Si vous décidez d'être bon, la bonté s'épanouira jamais. Si vous cultivez l'humilité , elle cesse d'être. La méditation est la brise qui entre quand vous laissez ouverte la fenêtre; mais si vous ouvrez celle-ci à dessein pour l'inviter à entrer, elle ne viendra jamais.

La méditaion devient curieusement de première importance; elle n'a ni fin ni commencement. C'est comme une goutte de pluie : cette goutte contient tous les courants, les grands fleuves, les mers et les cascades; cette goutte nourrit la terre et l'homme; sans elle, la terre serait un désert. Sans la méditation, le coeur devient un désert, un terrain vague.